Le chien dans la société au fil de l'histoire
Le cabéru n'a jamais été domestiqué |
Comment l’histoire entre l’homme et le chien a-t-elle pu débuter ? Et quand ? Faut-il remonter à des temps immémoriaux où l’homme aurait pu recueillir des louveteaux et les nourrir ? Est-ce le sein nourricier de femmes qui a modifié le comportement d’animaux à les transformer de sauvages à domestiques ? Une idée moins sotte qu’il n’y paraît lorsque l’on sait qu’aujourd’hui encore cette pratique (encore ?) observée aujourd’hui dans diverses populations, notamment mélanésiennes et amazoniennes. Et pourquoi ne pas imaginer, au contraire, que c’est le canidé qui a « domestiqué » l’homme à l’instar de la louve qui allaita Romus et Romulus (VIIe s. avant J.-C.) ? La chienne qui nourrit Cyrus bébé (VIe s. avant J.-C) ? Où encore prêter quelque crédit à la légende du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling ? Restent deux certitudes : d’une part, nombre d’hypothèses ont été avancées sur la domestication de cet animal et, d’autre part, l’histoire de l’homme et celle du canidé sont intimement liées.
Le début de la domestication du loup est estimé entre 16 000 et 15 000 avant J.-C. dans des groupes de chasseurs. Le paléontologue Othenjo Abel affirme que les loups auraient appris à suivre les hommes préhistoriques pour profiter de leurs stratégies de chasse et attraper leurs proies plus facilement, ce qui aurait conduit les loups à se domestiquer eux mêmes. Cette thèse, selon laquelle les loups ont été poussés à côtoyer l'homme par intérêt, est déclinée par d’autres : pour se nourrir des restes de chasse des hommes, pour se procurer un abri, etc.
A l’inverse, nombreux sont ceux qui estiment que l’homme a apprivoisé le loup pour pister et rabattre le gibier grâce à son odorat développé, la finesse de son ouïe, sa rapidité à la course et la puissance de sa mâchoire.
Mais les chiens sont-ils les descendant du loup ? Pour Darwin, les chiens sont issus d'au moins une douzaine d'espèces de canidés (dont les renards, les hyènes et les lycaons). Pour Konrad Lorenz, un des pères de l'ethnologie, certains chiens se rapprochent du loup, d'autres du chacal. Les dernières recherches sur l’origine du chien, basées sur l’ADN mitochondrial, tendraient à prouver que l’unique ancêtre du chien est le loup.
Quelle que soit l’origine du chien, il est quasiment certain que le processus de domestication a modelé l’apparence de l’animal. Michel Tragnier, mammalogiste au Museum d'histoire naturelle, précise : en devenant chien, le loup a perdu la puissance de sa mâchoire, sa tête s'est donc réduite comme la puissance de ses pattes avant. En outre, sa capacité cérébrale a diminué, comme c'est le cas chez toutes les espèces domestiquées.
Les plus vieux fossiles de chiens connus (ossements de mâchoires) ont été trouvés en Europe, près de restes humains datant de 14 000 ans. Deux mille ans plus tard, une femme a été enterrée, en actuelle Israël, avec ce que plusieurs experts affirment être un chiot dans ses bras. Les archéologues ont ainsi déterminé que le chien ferait partie de l'histoire humaine depuis plus longtemps que tout autre animal, vache, cheval ou chèvre. D’après ces données, le lieu d'origine de la domestication du chien devait se trouver en Europe ou au Moyen-Orient (parallèlement, dans ce cas, à la naissance de l'agriculture). Les futurs chiens auraient donc été apprivoisés à plusieurs endroits différents.
Il est probable qu’à l'âge de pierre, le chasseur amenait le chien-loup à la chasse et le lâchait sur le gibier. L'animal restait avec l'homme puisqu'il pouvait se réchauffer près du feu et recevait les restes des repas. Le chien aurait ensuite pour rôle de monter la garde et de protéger les enfants.
Les lévriers, dont on retrouve la trace depuis la Haute Antiquité, accompagnent royalement les pharaons, tout comme les bassets et les molosses. Ils ont le droit à des funérailles et à une momification. La race primitive Pharaon hound, fidèle compagnon des Egyptiens de la période pharaonique est un lévrier égyptien nommé Tesem. A partir du VIe millénaire avant J.-C., la race primitive est développée en Mésopotamie, aujourd’hui l’Irak, Syrie. On retrouve de nombreuse représentations de cet animal l'art égyptien (VIe millénaire avant JC).
2000 ans avant J.-C., le chien figure sur les monuments de l'ancienne Égypte et dans les hiéroglyphes, il signifie victoire, courage ou peur, suivant qu'il était représenté avec la queue levée ou baissée. Les Egyptiens vouaient au chien un véritable culte et l'adoraient sous le nom d'Anubis. Dieu à la tête de chien, servant de guide dans l'au-delà, c’est un familier de l'indivisible. La mort d'un chien donnait lieu à de grandes cérémonies au cours desquelles le corps était embaumé et placé dans un sarcophage. En signe de deuil toutes les personnes de la maison se rasaient la tête et le corps tout entier. Enfin on punissait de mort celui qui tuait un animal et des châtiments corporels étaient infligés à celui qui le martyrisait.
L'antiquité grecque est riche de textes faisant allusion au rôle de charognard du chien. Alexandre le Grand aurait importé des molosses d'Inde pour servir au combat. Pendant la guerre du Péloponnèse, cinquante mastiffs auraient été chargés de défendre la ville de Corinthe. La mythologie grecque, comporte également de nombreuses références aux chiens, au nombre desquelles Cerbère, le garde les enfers. L'espèce canine représente alors la fidélité à l’image d’Argos, dans l'Odyssée, qui reconnaît son maître Ulysse après vingt ans d'absence… et meurt d'émotion au retour de celui-ci. A Athènes, les chiens étaient admis dans les palais, assistaient aux festins et prenaient part aux cérémonies ainsi qu'à tous les divertissements.
Chez les Romain, les
chiens étaient des animaux de compagnie, des gardiens de
troupeaux, et des chasseurs. Lors de la construction de l'empire
romain, les chiens jouèrent un rôle important en tant
qu'auxiliaires des soldats : ils assurent les liaisons, défendent
les campements. Dans la vie quotidienne, ils gardent les habitations.
A Pompéi, on peut lire au milieu des mosaïques ornant
l'entrée des maisons : Cave canem (prends garde aux chiens).
Plusieurs spécialisations s'affirment et la cynophilie commence
à se structurer. Les chiens de combat se mesurent aux ours
dans les arènes, les gardiens de troupeaux sont enfin reconnus,
les chiens d'agrément se développent pour le plus
grand plaisir des patriciennes. Un impôt spécifique
frappe même les propriétaires de chiens. Les élégants
font tailler leur caniche en lion. Une amphore grecque datant de
400 ans avant J.-C. représente un enfant accompagné
d'un chien. Mais les chiens sont parfois sanctionnés avec
sévérité pour leur « mauvais »
comportement réel ou supposé. Ainsi, les Romains flagellaient
chaque année des chiens en souvenir de leur manque de vigilance
lors de la prise du Capitole.
Au Moyen-Age, dans les
campagnes et les milieux populaires, les chiens suscitent des peurs
collectives et font l'objet d'exterminations quotidiennes. Pour
la noblesse, par contre, ce fut l'âge d'or de la chasse de
cour. Passionnés de chasse,
les seigneurs médiévaux
protègent leurs compagnons par des lois. On entretient des
meutes, on crée de véritables chenils où sont
sélectionnés les chiens de grande vénerie.
Le goût pour la chasse est si envahissant que les prêtres
doivent interdire aux nobles d'entrer dans les églises en
compagnie de leurs chiens. On les isolent finalement sur le parvis
; c'est d'ailleurs là qu'a lieu la bénédiction
des chiens, instituée le jour de la Saint-Hubert, le patron
des chasseurs. Le Moyen-Age distingue lévriers, braques,
gardiens de troupeaux. Suivant leur rôle, ils reçoivent
une alimentation appropriée.
Quelques siècles plus tard, à la Renaissance, la passion des hommes pour la chasse reste. La noblesse considérait le chien comme un signe de puissance et de grandeur. Ceci provoqua le développement de races de chiens de compagnie, notamment de petite taille comme en attestent les tableaux de l’époque notamment ceux du Titien ou de Véronèse. Les traités de cynologie font leur apparition, notamment en Italie et en Angleterre.
Avec la Révolution et l’abolition des privilèges, le chien se « popularise ». Ainsi au XIXe siècle on assiste en France à une véritable expansion numérique du chien. Vers 1850, les races de chiens se multiplient et se diversifient. C'est l'apparition de la cynophilie. Le chien devient un animal commun et peuple basses-cours comme salons. Jusqu’à devenir à la Belle-Epoque, puis dans l’entre-deux-guerres, un signe distinctif : les artistes, écrivains et hommes politiques choisissent des animaux qui les différencient du commun.
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La mutation de la société d’après guerre, l’exode rural, le baby-boom… la « société des loisirs » s’est répercutée sur le rôle rempli par les chiens. Si les chiens d’attelage, de berger, de chasse, de pistage, de sauvetage, truffier… existent plus que jamais, ils exercent principalement leurs talents dans le cadre d’activités sportives et divertissantes. Le chien est devenu un véritable compagnon de jeu dans une société de consommation. Un rôle que Sony à poussé à l’extrême avec Aibo : un chien-robot, un chien-jouet, un chien-jetable.